Portrait / Herbert “Blondie” Hasler, entre opérations commando et course au large

Article publié sur Bateaux.com le 26/11/2018

Auteur : François MEYER


Herbert Blondie Hasler fut un célèbre officier commando des Royal Marines durant la Deuxième Guerre mondiale. Il a aussi été à l'origine des courses transatlantiques en solitaire au début des années 1960.



La mer dans les veines

Herbert Blondie Hasler  est né en Irlande le 27 février 1914, d’un père médecin militaire qui périt noyé lors du torpillage du transport de troupes “Transylvania” en 1917. Élevé à Portsmouth, haut lieu de la voile en Grande-Bretagne, il a construit à l’âge de 8 ans son propre canoë pour naviguer autour de Portsmouth et de l’île de Wight.

Engagé dans la marine

Jamais opposé à un peu d’action, il s’engage en 1932 dans les “Royal Marines”, l’équivalent de nos Fusiliers Marins Commandos ou il laisse pousser une superbe paire de bacchantes blondes qui lui ont valu jusqu’à aujourd’hui le surnom de “Blondie”, ainsi que de nombreux succès féminins.

Un héros de la Seconde Guerre Mondiale

D’un caractère solitaire et modeste, il est très talentueux dans des domaines aussi variés que le l’architecture navale, le piano, la mécanique et l'écriture. Sportif, très dur au mal, c’est aussi un excellent officier qui a 26 ans au début de la Seconde Guerre mondiale.
Déployé en 1940 en Norvège à Narvik, son amour du bord de mer lui fait couvrir, une fin d’après-midi, avec un fusil mitrailleur, le rembarquement d’une compagnie de légionnaires français sous le feu des éléments de pointe nazis. Il gagne suite à cette randonnée l’Order of British Empire et la Croix de Guerre française.

Le kayak comme arme de guerre


De retour en Grande-Bretagne, il imagine une se stratégie de raid commandos audacieux, menés en kayak, au coeur des installations portuaires dans la France occupée.
L'état major britannique, aussitôt mis au courant, accepta l'idée et programma l'opération Frankton pour décembre 1942. Il s'agissait d'approcher la côte française en sous-marin, mettre les kayaks à l'eau puis pagayer 3 jours (100 NM !) durant pour parvenir au cœur du port militaire de Bordeaux, y miner, avec des engins à fusée retard, le plus de navires possibles puis prendre la fuite avant les explosions…
Hasler accepta avec joie cette mission, dont les chances de revenir vivant étaient d'autant plus faibles que l'aimable Hitler avait déjà ordonné l'exécution des commandos capturés, qu'ils fussent pris en uniforme ou en civil…

Une mission à très haut risque


Le soir du 7 décembre 1942, le sous-marin HMS Tuna mit à l’eau 5 Kayaks biplaces au large de Montalivet-Soulac. Cette flottille de kayaks navigue de conserve de nuit en profitant des marées favorables. L’équipage de l’un des 5 kayaks sombre avec son équipage dans des remous à l’embouchure de la gironde dès le premier soir. Un second équipage est pris par les Allemands au niveau de la pointe du Grave tandis qu’un troisième se perd le lendemain soir. Les quatre hommes seront torturés et fusillés. Ces captures ont donné l’alerte ! 
Les deux équipages restants campent sur la grève dans des endroits déserts et inaccessibles, sans feu ni couvertures.
Les quatre hommes entrent de nuit dans le port de Bordeaux le 11 décembre et se répartissent les objectifs. Ils minent cinq navires lourds sous la surveillance allemande et quittent le port ensemble au milieu de la nuit, entreprenant la descente de la Gironde avec la marée descendante. Les détonateurs retard des mines se déclenchent six heures plus tard et ils ont le plaisir d’entendre les déflagrations et de voir les lueurs des incendies depuis leurs kayaks, sous la neige qui s'est mise à tomber !
Ils mettent pied à terre à Saint-Genès-de-Blaye la même nuit, coulent leurs kayaks puis se séparent pour gagner l’Espagne à pied. Seuls Hasler et son équipier parviendront à regagner Londres, l’autre équipage sera fait prisonnier puis exécuté en 1943.
De retour à Londres, Hasler est affecté au développement de moyens nautiques d’approches discrètes. Il inventera là-bas un grand canoë insubmersible…

Il terminera la guerre affecté, à sa demande, dans le service actif des commandos au Moyen-Orient.

Du sabotage à l'organisation de la transat anglaise


Ayant remplacé ses activités de sabotage par celles, plus pacifiques, de courses à la voile, Hasler mûrit dès 1956, l’idée d’une course transatlantique en solitaire reliant Plymouth à New York, afin de pouvoir se délasser en mer.
Sa recherche de sponsors n’aboutit que plusieurs années plus tard avec l’accord du journal l’Observer de financer cette course. En 1960, malgré plus de 100 lettres d’intention parvenues au bureau de course, seules 5 furent suivies d’effet avec finalement 4 bateaux au départ !
Lors de cette première occurrence de la transat, les concurrents ne disposaient ni de radio, de balise, et partaient avec la météo sans possibilité de prendre des nouvelles durant la course.

Jester et son gréement de jonque

Hasler engageait “Jester”, un folk boat de 7,60 m dont il avait modifié le pont en supprimant le cockpit et y ajoutant deux trous d’homme lui permettant de manoeuvrer sa voilure de jonque depuis l’intérieur. Ce plan de pont ressemblait beaucoup à celui du grand Kayak développé pour la Royal Navy après le raid sur Bordeaux…
Hasler prétendait pouvoir traverser l’Atlantique sans même mettre le pied sur le pont !
Hasler installa un régulateur d’allures de sa conception, fonctionnement repris par les régulateurs commercialisés depuis, lui permettant de dormir relativement tranquille quant aux écarts de route.

Une arrivée à la seconde place

Hasler choisit la route Nord, et rejoignit New York en 47 jours. Il finit toutefois la course second, derrière Francis Chichester sur Gipsy Moth III, un bateau de plus de 12 m qui rallia New York en 40 jours.
Hasler engagea Jester lors de la seconde course OSTAR en 1964. Il termina cette seconde édition en 37 jours, 10 jours de moins que 4 ans plus tôt, mais loin derrière la nouvelle étoile montant, Éric Tabarly, qui finit en 27 jours seulement sur Pen Duick II.
À la suite de cette course, Hassler, lassé par le tapage médiatique bien éloigné de la discrétion à laquelle ses activités chez les Royal Marines l’avaient habitué, il se retira des courses en mer et coula enfin des jours paisibles !
Il est mort le 5 mai 1987 à Glasgow (Grande-Bretagne).

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