Navires célèbres : La Calypso du Commandant Cousteau
Navires célèbres : La Calypso du Commandant Cousteau
4 OCTOBRE 2020
Premier navire moderne d’exploration océanographique, Calypso emmena l’équipe Cousteau sur tous les océans du globe entre les années 1950 et 1990.
Navire multitâches, précurseur des navires d’assistance multifonctions modernes, Calypso menait des missions d’océanographie, de zoologie, de climatologie, de topographie ou de recherche pétrolière.
Détroit de Messine, 1943
Par une chaude journée de septembre 1943, deux navires de guerre cheminent à vive allure au large de Reggio de Calabria au sud de l’Italie.
Ils tractent un câble d’acier entre eux qui fait surgir des flots de curieuses boules d’acier hérissées de picots. Depuis le bord, des marins les prennent pour cible au fusil et les boules explosent…
Les dragueurs de mines sont au travail pour les détruire lors du débarquement allié en Sicile.
L’un de ces dragueurs de mines, et bientôt le plus célèbre, le BYMS-26, immatriculé J-826 dans l’organigramme de la Royal Navy Britannique, va poursuivre une longue, très longue carrière nautique.
Gozo
Démobilisé en 1946, l’ex J-826, retraité de la RN, coule des jours paisibles de repos bien mérité en acheminant marchandises et passagers entre la Valette (Malte) et la charmante île voisine de Gozo.
C’est l’archevêque de la Valette qui la baptisa de son nouveau nom “Calypso”, la mythique reine de Gozo dont les charmes auraient su retenir Ulysse durant 7 années loin de sa patiente épouse, Pénélope.
Calypso of Guinness
1950. Par l’entregent d’intermédiaires, la propriété de la Calypso revient à Lord Thomas-Loel Guinness qui projette de transformer le dragueur de mines en yacht.
C’est que la construction de ces navires destinés à remonter à la surface les mines anti navires puis à les détruire impliquait une solidité à toute épreuve. les détonations des mines sous-marines créent des ondes de choc que la carène devait pouvoir encaisser sans broncher.
Les navires de la classe BYMS étaient réalisés en bois, sur membrures de chêne ployées et très rapprochées et disposaient d’un double bordé très épais.
2 pouces d’épaisseur intérieure et 1 pouce à l’extérieur, coupées dans des pins d'Oregon, offraient à ces coques de 12cm d’épaisseur une garantie d'extrême solidité.
Convoyé au chantier naval d’Antibes pour un refit (la côte d’Azur comptait déjà une industrie navale importante) la route du ferry, ex dragueur de mine croisa celle d’un officier de marine français, plongeur et passionné de mer, Jacques-Yves Cousteau, à la recherche d’un navire océanographique.
Ce dernier parvint à rallier Guinness à ses desseins et ce dernier lui loua pour un franc le bateau ”à durée indéterminée” et rejoignit un chèque de 500.000 francs (somme assez faible représentant une dizaine de milliers d’euros aujourd’hui) pour l’aider à la transformation.
Guinness acheta un second BYMS, qui devint le yacht classique Calisto, luxueux sistership de Calypso !
Le premier navire moderne d’exploration océanographique
C’est que le programme du célèbre commandant-plongeur-explorateur, au bonnet rouge de scaphandrier, était particulièrement exigeant et nécessitait bien des équipements spécifiques !
Cousteau, placé hors-cadre de la marine Nationale dès 1951, pouvait superviser le chantier d'autant que la rade de Toulon était encombrée de navires de guerre réformés sur lesquels des pièces de rechange abondaient.
Déjà débarrassée de ses canons de 20mm et 100mm, on confectionna pour la Calypso un faux-nez, en avant du bulbe structurel de la coque, pouvant abriter un observateur des fonds par les 5 hublots qui y furent installés. Les célèbres images sous-marine en navigation seront prises d’ici. Un bras extérieur y fut aussi installé pour filmer les dauphins nageant de concert avec Calypso.
La cuisine, au milieu du bateau, accueillit un puits et une chambre de plongée, permettant de mettre plongeurs et scaphandriers à l’eau, par tous les temps.
Une plateforme rabattable était montée sur tribord pour aider à la mise à l’eau et la récupération des plongeurs par beau temps.
Une grue hydraulique facilitait la mise à l'eau des 3 sous-marins : deux “puces de mer”, petits sous-marins d’exploration mobiles, et une “soucoupe plongeante” capable d’emmener 2 hommes à -400m de fond.
Un équipement high-tech
Le réseau de Cousteau, tout au long de l'exploitation océanographique de la Calypso (1951, 1996) lui permit de lever des fonds ou de bénéficier de dons en nature offrant au bateau un équipement de tout premier plan.
Equipée d’un Gyrocompas Brown, d’un sondeur -très rare à l’époque-, d’un système de réception de prévisions météo de la NASA -première mondiale-, la Calypso embarquait un radar, une chambre froide, une chambre de recompression (en cas d’accident de plongée) et des outils d’exploration sous-marine parmi lesquels une suceuse sous-marine, une carotteuse, un treuil et 5000 m de câble acier, une génératrice de courant triphasé, deux compresseurs 120m3/h qui permettaient de recharger très vite les blocs des plongeurs ainsi qu’un atelier complet…
Un hélicoptère, des chalands aluminium motorisés à fonds plats accompagnaient toujours le navire tandis qu’un 4x4 Toyota BJ 30, un hydravion ou un camion amphibie la rejoignaient au besoin et qu'un gigantesque semi-rigide, l’Amphitrite pouvait être mis en caisse et expédié par voie des airs, en cas de besoin.
L’adjonction de ces nombreux matériels alourdissaient à ce point la Calypso qu’elle se mit à rompre ses arbres d’hélice (propulsés par deux moteurs de 500 HP offrant une autonomie de 21 jours à 15 nœuds) sous l’effet de l'embonpoint…
Le renforcement des quilles anti-roulis et le montage de tôles fortes apportèrent la rigidité nécessaire et les arbres ne rompirent plus !
L’odyssée de la Calypso
Ainsi équipée, au fil des ans, la Calypso devint le domicile de Denise et Jacques-Yves Cousteau lors des explorations annuellement entreprises.
Durant plus de trente années, des Antilles au Cap Vert, d’Afrique au Mexique, en passant par les USA, la Mer Rouge, les Seychelles, la Patagonie, l’Indonésie, la Micronésie et la Polynésie, Cousteau, Calypso et son équipe naviguèrent, plongèrent puis filmèrent des plongées, des navigations, des peuplades et des paysages qui enchantaient une génération d'enfants, à laquelle j’appartiens.
Naufrage, incendie, la série noire
Au mouillage à Singapour, un port subissant un marnage important, en janvier 1996, Calypso se pose sur une vieille barge. Incapable de riper, sa coque finit défoncée et une importante entrée d’eau, impossible à étaler avec les pompes du bord, l’envoie par le fond.
Renflouée, elle rejoint le musée maritime de la Rochelle en 1998 où elle se dégrade sans entretien.
2007 sonne le début de travaux de restauration aux chantiers Piriou, mais, deux ans plus tard, les travaux s’arrêtent et le bateau est stocké à sec.
Partie pour la Turquie en 2013 pour y subir une restauration complète, un incendie la ravage en 2017 sur le chantier à Izmit.
Les travaux reprennent, et en 2019, les dégâts de l’incendie étaient oubliés.
La restauration continue à ce jour.